L'AVIATEUR NORMAN PRINCE

MORT POUR LA FRANCE

            Après Victor Chapman, tué devant Verdun le 24 juin, après Kiffin Rockwell, mort en Alsace le 23 septembre, le sergent aviateur Norman Prince, de l'escadrille américaine, est mort le 15 octobre, au retour du raid sur les usines Mauser d'Oberndorf. Grièvement blessé pendant l'opération, Norman Prince, d'une constitution athlétique, avait pu ramener son appareil dans nos lignes, dans un dernier effort qui ne lui permit cependant pas d'atterrir sans heurt. Son avion se brisa au sol, et le pilote eut les deux jambes fracturées. Il succomba à ses blessures, après avoir la suprême joie de se voir épingler sur la poitrine la croix de la Légion d'honneur, auprès de sa croix de guerre et de sa médaille militaire. Il avait 29 ans.

     Norman Prince, qui s'était engagé dans notre 5ème armée en février 1915, avait été l'un des créateurs de l'escadrille américaine, avec le lieutenant William Thaw et le sergent Eliot Cowdin. Sa bravoure et son énergie étaient légendaires d'un bout du front à l'autre, et notre communiqué officiel n'aurait pas tardé à signaler les exploit de ce vaillant, camarade d'escadrille et compatriote de l'adjudant Lufbery, dont, le jour même où mourait Chapman, le communiqué mentionnait la cinquième victoire aérienne.
    Comme Chapman, comme Rockwell, Norman Prince, né à Boston, appartenait à l'élite américaine. Sa famille est de cette noblesse démocratique qui remonte à la guerre de l'Indépendance et est traditionnellement attachée à la France par une indéfectible sympathie. Et la fin héroïque de ce volontaire est survenue dans une circonstance profondément émouvante. On sait que 500 des plus hautes personnalités des Etats-Unis, professeurs, savants, écrivains, financiers, ecclésiastiques, industriels, etc., ont récemment envoyé aux alliés une adresse d'ardente solidarité morale. L'exemplaire original de cette adresse, portant les 500 signatures, a été remis à M. Poincaré par M. Morton Prince, le célèbre
neurologiste des Etats-Unis, et l'un des oncles de Norman Prince. C'est pendant son sejour à Paris que M. Morton Prince a appris le deuil glorieux qui frappait sa famille. Famille splendide : le lendemain de la mort de Norman, son frère Frédéric demandait à prendre sa place dans l'escadrille américaine.
 

toto / 2001